Le vaisseau avait été construit au royaume de France, entre 1629 et 1638, précisément à la Roche-Bernard. Chantier naval situé au milieu des bois de chêne de la Duchesse de Rohan, dont on tirait la matière, le long de la Seudre, une rivière côtière à fort marnage.
Trois mâts de hauts bords d'environ 2200 tonneaux, d'une taille extraordinaire pour l'époque, sa longueur était d'environ 210 pieds hors le roste (63.00 m), sa largeur, au maître-bau, était d'environ 50 pieds (15,00 m).
Son mât de misaine s'élevait de 193 pieds au dessus de sa quille (58.00 m).
Son gréement complet pouvait portait 3000 toises carrées de voiles (12 000 m²). Deux ponts avec batterie de 68 canons, son château arrière abritait de vastes et luxueuses cabines. D'immenses lanternes surplombaient son tableau arrière, en chêne sculté, superbement décoré aux Armes de France.
La muraille abrupte du navire est décorée d'une frise de fleurs de lys, peintes en hermine sur fond d'azur, dont le motif répété ceinture le bastingage juste au-dessus de la ligne redoutable des canons.
Il avait couté 500.000 livres française. Vaisseau de hauts-bords remarquablement marin, en dépit de ses dimensions hors du commun, sa formidable puissance de feu lui assurait la suprématie des mers. Mis à l'eau en août 1638, il est armé et devient, dès le printemps 1639, le vaisseau amiral d'une escadre Française réunie dans la rade abritée de Saint-Martin en Ré.
A l’époque, le navire s'appelait le «La Couronne» et naviguait sous les ordres d’un grand amiral, ami intime de Richelieu, Monsieur Isaac Delaunay Razilly et participa, avec honneur, à la campagne de Fontarabie.
La représentation, ci-dessous, du Maître contemporain Jacob Gerritz, montre bien les extraordinaires proportions du fameux navire "La Couronne" au regard de la taille du vaisseau de ligne habituellement construit par les charpentiers Hollandais.
Comment le navire français le "La Couronne" est devenu "l'Asturias" fleuron de la flotte espagnole :
En août de cette même année, l'escadre et son navire amiral partirent en campagne sur les côtes d'Espagne. Le bateau de guerre fit forte impression en détruisant, face à la ville de Laredo en Biscaye, un navire capitan de la flotte du roi d'Espagne et en incendiant un autre, qui fut drossé à la côte.
Contrairement à l'épisode victorieux de l'amiral Delaunay, qui présageait pourtant un avenir prometteur pour le «La Couronne», une période sombre et néfaste débuta pour le vaisseau de ligne.
Au mois de septembre de la même année, l'Amirauté française commença par le désarmer, cédant à des querelles d'amiraux et à un besoin urgent de canons. Il fut oublié le long d'un quai jusqu'au jour où, devenu encombrant, on décida de le changer de port d'attache.
Alors, avec un équipage réduit, enrôlé sans discernement sur le quai et sans prémunir son bord de la moindre escopette, les autorités portuaires lui firent reprendre la mer.
La terrible tempête, qui fit rage durant cette malencontreuse manœuvre, eut bon dos car l'enlèvement du navire, réalisé et réussi, sans un seul coup de feu, par la poignée de gredins embarqués, et cela, à peine à quelques encablures de la côte, aurait fait rire les amirautés du reste de la Terre!
Les matelots, qui n'abondèrent pas dans le sens des mutins, furent décimés ou, pour, les plus chanceux, jetés dans une chaloupe.
Chaloupe que l'on incendia, avant de la lâcher en fortune de mer dans les courants nombreux de ces parages. L'océan démonté se chargea de rejeter à la côte les restes de l'esquif, reconnaissables à la devise prémonitoire, marquée au fer sur son tableau arrière : “Subdidit Océanum».
Ces simples débris de barque suffirent à justifier la perte "corps et biens" du navire royal le “La Couronne” qui fut, en conséquence, rayé des cadres et des effectifs de l'Amirauté, sans autre forme d’enquête.
Quant aux mutins, ils ne firent pas de longs bords sur leur nouveau bateau désarmé car, pour leur perte, ils croisèrent, au large de Bordeaux, une capitane espagnole qui les captura sans coup férir. Peu après, le bâtiment prisonnier fut ramené à La Coroña et entra au service de Sa Majesté très Catholique Philippe IV. Alors, l’autorité, le trouvant si beau et si majestueux, le jugea digne d’être rebaptisé du nom de la province des Asturies, pensant l’initiative favorable à la venue d’un héritier mâle qui en deviendra le Prince.
Bravant ainsi, par ce geste fatidique, la tradition, connue sous toutes les latitudes, qui veut que cela concoure, généralement, au malheur du vaisseau. Là, le navire ne s’en porta que mieux encore ; mais l’histoire prouva que son bien innocent parrain, qui naquit en 1661, allait hériter du poids terrible de la malédiction.